O rage ! o desespoir ! o vieillesse ennemie ! N'ai-je donc tant vecu que pour cette infamie ? Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers Que pour voir en un jour fletrir tant de lauriers ? Mon bras qu'avec respect tout l'Espagne admire, Mon bras, qui tant de fois a sauve cet empire, Tant de fois affermi le trone de son roi, Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ? O cruel souvenir de ma gloire passee ! Oeuvre de tant de jours en un jour effacee ! Nouvelle dignite fatale a mon bonheur ! Precipice eleve d'ou tombe mon honneur ! Faut-il de votre eclat voir triompher Le Comte, Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ? Comte, sois de mon prince a present gouverneur ; Ce haut rang n'admet point un homme sans honneur ; Et ton jaloux orgueil par cet affront insigne Malgre le choix du roi, m'en a su rendre indigne. Et toi, de mes exploits glorieux instrument, Mais d'un corps tout de glace inutile ornement, Fer, jadis tant a craindre, et qui, dans cette offense, M'as servi de parade, et non pas de defense, Va, quitte desormais le derniers des humains, Passe, pour me venger, en de meilleurs mains.